Les jeunes du Conservatoire de Paris à l’honneur de Banlieues Bleues

Thomas de Pourquery au festival Banlieues Bleues
Le chanteur Thomas de Pourquery est l’un des anciens élèves du département jazz du Conservatoire national invité au festival Banlieues Bleues en Seine Saint-Denis / Par Jean-Francois Monier (AFP)

Le festival annuel de jazz « Banlieues Bleues » se déroule dès le 18 mars jusqu’au 15 avril. Son directeur Xavier Lemettre nous explique ce qui est attendu pour la 33e édition du festival.

Ils sont une vingtaine à être passés par le département Jazz et musiques improvisées du Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSMP): les jeunes pousses de cette pépinière du jazz contemporain sont aux premières loges de Banlieues Bleues.

« La jeune scène française est particulièrement mise en valeur, c’est un choix, et il se trouve que la plupart des musiciens de cette scène sortent du CNSMP », reconnaît Xavier Lemettre, directeur de ce festival de Seine-Saint-Denis.

Comment le CNSMP parvient-il à faire émerger autant de musiciens talentueux, capables d’amener le jazz dans des directions très diverses tout en maîtrisant les codes de cette musique ?

« On travaille vers des musiques autres que simplement le jazz, l’intitulé de notre département c’est jazz et musiques improvisées », rappelle Riccardo de Fra. Ce musicien italien, contrebassiste, a transformé le département jazz du CNSMP, dont il est professeur depuis 1998 et directeur depuis 2004. Il tient beaucoup à l’esprit d’ouverture qu’il a voulu y imprimer, avec « des passerelles entre jazz, musique classique, contemporaine, et musiques actuelles ».

Antonin Tri-Hoang est à 26 ans la brillante incarnation de cette famille de musiciens qui ne se cantonnent pas dans des zones de confort.

« J’avais face à moi des tas de possibilités musicales, avec un panel de talents différents, beaucoup de choses étaient possibles », se souvient ce saxophoniste alto et clarinettiste, qui insiste sur « la dynamique collective » du CNSMP et évoque une « histoire commune ».

A Banlieues Bleues, il jouera dans deux formations: au sein du Umlaut Big Band, un grand orchestre qui interprète des airs swing d’orchestres américains et européens des années 20 et du début des années 30, puis en petite formation dans Novembre, pour un clin d’oeil à Ornette Coleman.

« Dans le Umlaut, on se fond dans un son et on se met au service d’une musique dont on s’exerce à parler la langue d’origine. Dans Novembre, on n’est pas au service d’une musique en particulier et on ne se refuse rien », explique le musicien.

Thomas de Pourquery, autre représentant de cette polyvalence, endossera également deux costumes à Banlieues Bleues: celui du crooner pour des versions iconoclastes de standards du music-hall avec le Red Star Orchestra; et celui du saxophoniste free à la tête du Supersonic, un groupe qui réinvente le free jazz de Sun Râ.

Forte délégation des Caraïbes

Xavier Lemettre pointe cette diversité. « Si on prend tous les acteurs de cette jeune scène, il n’y a rien de pareil. Ce que fait Pourquery est très différent de ce que fait Sylvaine Hélary, Novembre ou Joce Mienniel ».

Outre cette « french touch », le festival recevra aussi une forte délégation des Caraïbes, avec Calypso Rose, Anthony Joseph, Chucho Valdes et son jazz afro-cubain, les Vikings de la Guadeloupe.

« La jeune scène française expérimente ses propres mélanges et hybridations, pour créer quelque chose de différent, et chaque île des Caraïbes en fait autant », souligne Xavier Lemettre.

Autres représentants de ces musiques composites, dont le jazz n’est plus qu’un ingrédient, à l’affiche cette année: la bassiste Meshell N’Degeocello, aux confins de la soul expérimentale, du rock et du funk, ou encore le trompettiste Leron Thomas, qui élabore une sorte de soul-rock hip hop.

Même diversité avec le clarinettiste juif new-yorkais David Krakauer, qui avait annulé un concert à La Cigale quelques jours après les attentats du 13 novembre et qui se produira deux fois.

« Ce sont des musiciens qui viennent souvent du jazz, qui est lui-même un hybride », rappelle Xavier Lemettre.

 

Par Christophe CHEYNIER